samedi 17 août 2013

Tour du Mont Blanc Cyclo solo 2013 - TMB - 21 juillet 2013


Genèse d’un objectif cyclo 2013 hors normes 

C'est l'ami  Gilles Chiron (*), qui par un soir du 22 juillet 2012, me passe un petit coup de téléphone des Saisies pour me dire qu’il est en train d’assister à l’arrivée de cyclos qui viennent de boucler le Tour du Mont Blanc en vélo
(*)Notre insatiable coureur de trail et d'ultra  était en séjour aux Saisies pour participer à l’Ultra Trail Du Beaufortain 2012 - 103 km et 6 200 m de D+- qu'il terminera à la 58 eme position sur 400 !
Je fais aussitôt une recherche sur internet et découvre que cette épreuve cycliste d'ultra endurance est en fait une grande boucle d’une journée autour du Mont Blanc au départ des Saisies passant en Suisse et en Italie par des cols renommés et de superbes vallées alpines :
330 km et 8 000 m de dénivelé positif dont environ 120 km d'ascension de cols

Moi qui étais en quête de défi pour me remobiliser, Il ne m’en fallait pas plus pour me convaincre que ce serait mon objectif 2013 !

J’ai bien essayé par la suite d'entraîner l’ami Dominique dans ce périple, mais des contraintes familiales et son manque de préparation lui ont fait rapidement abandonner l’idée.

C’est donc tout seul que je ferai ce Tour du Mont Blanc Cyclo 2013, mais avec l’aide précieuse de Florence.

De l’ultra trail à l’utra cyclo

M'inscrire sur la 4eme édition de cette cyclo hors normes était  aussi pour moi le défi de repêchage que je recherchais.
Cette épreuve se rapproche en effet par certains côtés des Ultras trails sur lesquels j’avais connu 3 grosses déconvenues lors de mes dernières participations (Abandon sur la  Diagonale des fous 2010, barrières horaires sur l'Andorra Ultra Trail 2011 et sur  l'Endurance trail de Millau  2011).
Ce TMB Cyclo se présente en plus comme un  succédané au célèbre UTMB que je ne pourrais sûrement jamais courir. 
Les copains font le tour de Mont Blanc en courant l'UTMB, et bien moi, je le ferai aussi, mais assis et en pédalant !

Le fait que ce ne soit pas vraiment une course, mais un défi individuel, un périple à boucler, m'a tout de suite plu - tout à fait dans l'esprit de ma diagonale du flou.

En étudiant le palmarès des finishers des éditions précédentes et en lisant les récits je me demandais toutefois si je ne plaçais pas à nouveau la barre un peu trop haute, avec le risque de connaître un nouvel échec...
Ce qui est certain, c'est que les participants au TMB ont déjà à leur palmarès pas mal d'ultras et sont des sportifs multi disciplines de très bon niveau : Ironman,  BRM,  Paris Brest Paris (1 200 km) ou encore  Raid Extrême Vosgiens REV (610 km et 11 800m de D+), Raid Provence Extrème etc..

Une préparation TMB trop juste
L’idée étant lancée et annoncée, il s’agissait maintenant de l’assumer et de se préparer au mieux sur les routes du Poitou et de la vallée du Clain tout d’abord, du Limousin ensuite avec plusieurs expéditions solitaires dans les monts d’Ambazac, de Rocamadour et ses petites routes sympa avec Florence en mai et le Ventoux.  Le Ventoux - j'avais depuis très longtemps envie de gravir dans la journée ce Géant de Provence par ses trois faces. Faute de temps, je n'effectuerai en fait que l'ascension de 2 faces : Départ de Carpentras, ascension par Bédouin, descente sur Malaucène, resto (ravito),
remontée du Ventoux, descente sur Sault, puis retour sur Carpentras par les magnifiques gorges de la Nesque. Un test assez satisfaisant où j'ai pris grand plaisir. A refaire, mais cette fois par les 3 faces.
Malheureusement par la suite je ne ferai pas les sorties longues de 300 km initialement programmées, ni l’ardéchoise, juste une Limousine en « off » faute de dossards avec Bernard et Dominique.
L’étape du tour idéalement placée 15 jours avant le TMB, le 7 juillet suivie des superbes randos en vélo dans le massif du Mont Blanc avec Florence, depuis Megève, du 8 au 14 juillet ont donc été les bienvenues.
Nous profiterons de notre dernière semaine à Megève pour aller faire la reco du parcours du TMB, mais en voiture...

Au final, seulement   5 750 km et 50 300 d/m+ à mon actif en 2013, alors que j’aurai voulu faire au moins 7 000 km et 70 000 d/m+.

Simulation des temps de passage 
Je savais pertinemment que j'étais très limite en termes de barrière horaire finale puisque  mes temps de passage simulés me faisaient arriver aux Saisies  à 0h15 pour une limite horaire théorique d'arrivée à 0h30....
J'avais beau recalculer en diminuant les temps de pose aux ravitaillements, la simulation  tombait toujours sur les mêmes prévisions de temps de passage.
Et dans la réalité, ces 15 minutes de marges n'ont pas fait long feu au col du Petit Saint Bernard où j'ai fini mon ascension sous un pluie diluvienne et un orage...

Est venu le jour de l’inscription
J’avais décidé de m’inscrire au dernier moment, en fonction des bobos et de la météo.
Je m’inscris donc par internet le mercredi pour le dimanche suivant, sur des prévisions météo on ne peut plus favorables. Puis du jeudi au samedi soir, ces prévisions ont évolué vers des risques de pluies, puis des risques d’orages en fin d’après-midi sur les reliefs pour le dimanche. Heureusement les températures restaient correctes en altitude...

Les Saisies - samedi 20 juillet 2013 - veille de course

Transfert de notre camp de base le samedi de Megève aux Saisies à l’hôtel  Le Chardon Bleu situé juste en face le podium, le point briefing et  le point retrait des dossards. De plus la boutique de vente du bon fromage de Savoie d'après course se trouve sous l'appartement et la fabrique juste sous notre fenêtre. 50 € pour 2 personnes la nuitée. On ne peut  mieux faire.
Florence étant partie courir sur les hauteurs des Saisies, je passe à la phase casse-tête pour la préparation des tenues  et des 2 sacs que l’on peut déposer chacun au point ravito de notre choix, tout en regardant le tour de France à la Télé, pour revivre par procuration en direct  un peu de notre étape du tour Annecy-Semnoz effectuée 15 jours plus tôt, mais pas au même rythme.
J’ajoute, à bon escient, un gros sac de vêtements pour la voiture,  Florence devant venir au-devant de moi pour me rejoindre en assistance en haut du col du Petit Saint Bernard. 
Je lâche la retransmission du Tour 15 mn, juste avant le Semnoz, et file retirer mon dossard. Il n’y a pas foule, mais ça je le savais, on ne devrait être qu’un peu plus de 300 participants.
Surprise avec la remise d’un textile vraiment sympa. Pour le maillot finisher on verra plus tard.
Une course d’exception pour des coureurs plus qu’avertis Il y aura dans la soirée une réunion d’informations générales sur la logistique et la sécurité. Je passerai mon temps à observer les participants tous plus affûtés les uns que les autres. J’ai l’impression de faire exception dans cette assemblée.  
2 infos importantes : météo incertaine en fin d'après-midi le lendemain, ça je le savais. Et report du départ à 5h30 au lieu de 5 h, vu l'état de la route pour descendre vers Megève. Ce qui veut dire  que  je vais descendre le Cormet de Roslend de nuit... Ouille !
Le vélo et son lestage  Mon vélo avec son triple plateau passe partout (52-42-30/ 12-25) fait pâle figure auprès des vélos des concurrents qui vont s’aligner pour le départ de ce TMB, mais j'en tire une certaine fierté, car je sais que ce n'est pas le vélo qui fait le coureur, ça aide bien mais ce n'est pas tout. Par curiosité, en souvenir du sac surchargé que je m’étais traîné pour la diagonale des fous, je pèse ma monture tout équipée avec l’éclairage, les 2 bidons d’un litre et les 2 petites sacoches overst’im pleines de barres d’amandes et céréales, pain d’épices. Résultats  = 12  bons kg. Va falloir assumer !

Dimanche  21 juillet 2013 - 5 H 30 -  Les Saisies - Départ du TMB Cyclo 2013

Manchons, coupe-vent, Gilet Fluo, lampe allumée.
Le jour se lève.
Musique d'Era - Ameno 
La messe est dite
C'est le départ tant attendu et appréhendé en même temps.
Les lucioles entament la descente. Ma petite lampe suffit et je suis les autres. Sauf que les autres ils foncent et que moi j'y vais mollo, les fissures et les trous sur la route ne sont pas très visibles. Je n'aimerai pas commencer par une chute ou abîmer encore plus ma roue avant. De toutes les façons rien ne presse, pas de risques inutiles, les groupes se formeront et se déferont au gré des 40 premiers km constitués en grande partie de descentes.

En 40 km, on est passé de l'altitude de 1657 m  à celle de 587 m.
Le scénario de l'EDT d'il y a 15 jours est le même pour certains que je verrais abandonner bien plus tard, les faux plats montants ou petites côtes piégeuses me laissent quant à moi  de glace et je continue à mon rythme sans m’essouffler en admirant le lever du soleil sur le mont blanc. Je sais que ce Tour du Mont Blanc ne commencera en réalité qu'en haut du col du Grand Saint Bernard. 
Je bois et m'alimente consciencieusement et régulièrement. Tout est sous contrôle, je gère.
Je monte donc  la côte de Vaudagne, petite route en lacets, avec prudence et n'essaie pas d'accrocher un groupe qui me double (en parlant sans cesse) au moment où j'arrive à la hauteur d'un coureur  qui grimpe vers Vaudagne à un bon rythme avec une seule jambe et un seul bras. Incroyable ce type ! Les bavards en promenade devant ont l'air de le connaître et disent que c'est un sacré monsieur, qu'il a déjà à son actif de sacrés défis et que généralement il va au bout. J'espère qu'il aura été au bout, je ne l'ai pas revu.
Chapeau, et tous les geignards qui osent encore se plaindre pour le moindre bobo prétexte à ne pas tenter les défis, prenez en de la graine !
je passe le ravito de Vaudagne, comme c'était prévu.
Descente sur  Les Houches puis passage à Chamonix, Argentiere.

Col des Montets :  11,7 km à 3,3% et 426 d/m+


Grand nombre de randonneurs à pied descendent des voitures, ou des bus et autocars, pour attaquer leur randonnée du jour dans ce beau massif du Mont Blanc.
C'est sympa, c'est le matin, il fait beau, la luminosité est superbe et ce col n'est pas dur. Pour l'instant tout va bien, et je suis dans mes temps prévisionnels. 
Je me crois en randonnée.












C'est à nouveau une descente vers Vallorcine. 
Avant de passer en Suisse, j'appelle Florence pour la rassurer. J'en profite pour faire une pause technique mais perds les 2 cyclos que j'avais en ligne de mire depuis un moment.
J'ai fait 84 km et 1 100 m de dénivelé positif depuis le départ. 
Je sais que ma vitesse moyenne globale va maintenant décliner inexorablement, je n'ai rien grappillé sur ce premier quart de parcours pourtant le plus facile.



Dimanche 21 juillet 2013 - 8 h 50 - je passe en Suisse

Un coureur es assis dans le fossé sur une longue montée toute droite avec une couverture de survie. 
Des motards des secours sont là. A priori, son cadre aurait cassé lors du passage sur une pierre (??)


Col de la Forclaz :  7,5 km à 4,8% et 434 d/m+

Rein à déclarer
Le rythme est pris, les kilomètres passent bien, les grosses difficultés approchent.
















On passe de 1 526 m d'altitude  à 558 m en 9 km.
La descente sur Martigny est impressionnante, voire vertigineuse, mais pas dangereuse, hormis les véhicules qui veulent doubler à tout prix. Et pourtant, je ne roule pas vite, maxi 66 km/h et je perds encore de précieuses minutes que j'aurais pu reprendre.
Je me suis aperçu hier soir que ma roue avant avait du jeu, ça n'aide pas, je ne suis pas très rassuré.
Nous passons dans les vignes en terrasse du Valais










A la sortie de Martigny, je ne vois plus d'indication et m'arrête pour regarder la feuille de route. J'hésite un bon moment, ce n'est pas clair. Un concurrent arrive, il hésite aussi, nous commençons à rebrousser chemin quand un autre groupe arrive et file. Nous reprenons la route.

Ravitaillement - Les valettes - 10 h 00
Petit sandwich, eau, coca.
Je récupère mon sac déposé en Suisse (les valises ce sera demain matin au réveil) et attaque  les réserves perso, riz, semoule, pain d'épices. Recharge d'hydrixir dans le bidon.
Le vélo de nouveau lesté, je repars rapidement et passe sur le tapis des puces.


Montée de  Champex : 11,7  km à 7,2 % et 844 d/m+

C'est un faux col mais il a toutes les difficultés d'un col !

Cette ascension fait mal. Une succession de petits lacets avec  des passages à 14 %. Le cardio s'affole.
La chaleur est là, heureusement que je viens de faire le plein des bidons. Je ne vérifie plus le timing, mais je sais que je suis toujours à peu près dans les temps prévus, c'est à dire sur le fil du rasoir. Je ne veux pourtant pas me mettre dans le rouge et risquer la défaillance.
Il me reste 180 km à faire et 5 500 m de D+
Autrement dit, le plus dur est à venir. 

Passé Champex et son magnifique lac, descente sur Orsières où là encore je me fais doubler. Je fais le plein des bidons à une fontaine en prévision de ce qui m'attend pour passer en Italie

Col du Grand Saint Bernard : 24,6 km à 6, 4% et 1 559 d/m+

Je repars, pour cette longue ascension fastidieuse sur une route passagère entre la Suisse et l'Italie. 
J'ai maintenant un jeune compagnon de route de Grenoble, c'est lui qui donne le rythme. Il a fait la Marmotte puis le lendemain l'étape du tour.
Je le laisserai plus tard à une buvette de bord de route où il s'arrêtera se rafraichir. Il fait chaud
Le long paravalanche de 7 km  m'offrira une ombre bienvenue, mais  je suis contraint de m'arrêter sur un terre-plein extérieur pour me masser les dessous de pied tellement la douleur est forte.
Un concurrent y est allongé sur l'herbe et m'explique que c'est la 3eme fois qu'il le fait et à chaque fois il coince à ce col.
Quelques mots, je me dépêche de remettre mes chaussures et repars, désolé.
Je quitte le paravalanche et laisse les voitures continuer vers le tunnel du Grand Saint B sur la gauche. J'attaque enfin, les 8 km de la partie la plus dure du col où altitude et fatigue commencent à peser. 
Ce doit être mon premier col à vélo à plus de 2 400 m d'altitude. 
Les paysages de haute montagne sont superbes.

Arrivé en haut du col, je me dirige rapidement vers le ravitaillement pour récupérer mon 2ème sac. Pas le temps d'admirer le petit lac. Semoule, pain d'épices, recharges etc... 
J'ai fait 156 km et 4 200 m de dénivelé positif depuis le départ.
Je suis à la moitié du parcours en km et en dénivelé. Je ne prends pas le temps de vérifier, mais je sais qu'à  5 minutes près je dois toujours être dans mes temps prévisionnels, je m'habille chaudement.

Dimanche 21 juillet 2013 - vers 14 h 30 - je passe en Italie

Longue descente de 32 km et 1 878 m de dénivelé négatif pour rejoindre Aoste à 580 m d'altitude
Malgré le coupe-vent et le gilet fluo, j'ai froid au début de cette plongée en Italie,  puis je sens la chaleur me réchauffer au fur et à mesure de la descente, pour finir dans un four à Aoste avec plus de 35°.
Encore une fois, je ne vais pas assez vite et ne reprends pas les  précieuses minutes de mon sésame Finisher.
Je profite d'un arrêt pour me dévêtir à nouveau et masser ma plante de pied qui me fait toujours énormément mal
Mon jeune compagnon de route de Grenoble me rejoint. Il est bien meilleur descendeur que moi.
Ouf, je ne vais pas être tout seul pour cette longue transition de 20 km jusqu'au prochain ravito dans le val d'Aoste.
Heureusement le vent  n'est pas défavorable et pour l'instant pas de pluie et d'orages en vue.

Ravitaillement de La Salle et de Florence
Super surprise ! Florence, mon Saint Bernard perso, est descendue me retrouver. Je délaisse le ravito officiel pour le petit "quatre heure" de Florence constitué de pattes et de Poulet + gâteau de riz/semoule, coca et baies de Goji car il faut bien dire que comme d'habitude les ravitos de l'organisation étaient bien trop légers pour moi.....
Je vois à regret mon compagnon de route repartir
J'y passe plus de temps que les 15 minutes prévues, il faut que je masse mes plantes de pied douloureuses.
Je repars les batteries rechargées, et remonté à bloc, Florence m'accompagnera jusqu'à la fin (Faim).
Les jambes tournent bien et je me sens d'attaque pour repasser en France.

Col du petit Saint Bernard - 23,5 km à 5 % et  1 184 d/m+


Les encouragements de Florence et des accompagnateurs attendant leurs coureurs  me motivent encore plus. Je ne veux plus me laisser rattraper et doubler.
Je rattraperai mon jeune Grenoblois après Pré Saint Didier dans l'ascension du col. Il préfère rester à son rythme, je reste avec lui jusqu'à la sortie de La Thuile où je laisse le petit groupe qui s'était formé pour avancer un peu plus vite.



Le temps se gâte  sur la fin de ce col qui n'en finit pas.
On croit qu'on est en haut et ça continue encore


Et c'est sous une pluie diluvienne et un orage, que j'arrive au col  du Petit Saint Bernard  2 188 m où Florence m'attend patiemment.

Un groupe de coureurs est à l'abri sous le petit tivoli du ravito. Je prends une soupe et m’engouffre dans la voiture pour me mettre au sec et me changer.
Je me ravitaille au sec, dehors la pluie est battante.
Les minutes s'égrainent...
Je prends encore du retard, je le sais mais ne vérifie même pas.
J'ai basculé sur la zone hors délai, ma marge de 15 minutes est définitivement consommée et la pluie ne va pas du tout m'aider à limiter les dégâts.

Ca fait presque 14 h que je suis parti des Saisies
J'ai  roulé 245 km depuis ce matin et  monté 5 900 m de dénivelé positif.

Encore 2 cols à monter et surtout 2 descentes  à effectuer dont une dans la nuit.

Dimanche 21 juillet 2013 - vers 19 h 20  - je repasse en France

J'enfile mes gants d'hiver, un thermique et me couvre la tête pour affronter le froid humide de cette descente.
Ça caille et je grelotte.
Un bénévole nous indique que 8 km plus bas, vers la Rosière, il pleut moins.
Tant mieux parce que ça va être dur et chaud cette descente de  26,5 km jusqu'à Bourg Saint Maurice !
De  2 188 m il faut redescendre à 840 m.
J'espère que je n'aurai pas ce temps sur tout le final et qu'il fera meilleur en bas.
Il n'y a pas grand monde qui repart. Je vois le jeune grenoblois arrivé au ravito au moment où j’enfourche mon fidèle destrier et me lance vers cette descente infernale où la pluie ruisselle à flan de montagne et sur la route.
Je n'essaie plus de retenir mes dents qui claquent je laisse faire et essaie de me décontracter.
L'orage est spectaculaire, comme seule la montagne peut nous en faire. Sur l'autre flanc de montagne un long éclair qui se devise en 2 fourches avec deux boules de feu d'impact. Aucun bruit.
Impressionnant !
Passé la Rosière, désertique, il ne pleut plus, j'essaie de reprendre un peu de vitesse.
Des véhicules me doublent avec sur l'attelage des vélos équipés de plaque concurrents du TMB. Je fais partie des derniers à insister, mais aujourd'hui, quoi qu'il advienne, même si on m'enlève mon dossard au prochain ravito, j'irai au bout.

Ravitaillement de Bourg  Saint Maurice.
Nouvelle surprise, l'ami Gilles, en séjour dans le coin pour la préparation de l'UTMB est venu m'encourager.
Ça me fait chaud au cœur, mais j'ai peur de le décevoir car je sais maintenant que je vais être hors délai.
Un organisateur annonce qu'il y a déjà 100 abandons, soit un tiers des concurrents.
Pas question d'alimenter les statistiques !

Je me dépêche de me ravitailler, je quitte mes gants d'hiver imbibés d'eau, et les autres vêtements de descente et repars, je ne veux pas me faire embarquer par les véhicules balais qui attendent avec à leur bord pas mal de malchanceux.
D'autres en attente au ravitaillement s'y installent.
L'organisation me laisse partir parce que je suis accompagné par Florence en véhicule.
Tous les indicateurs sont au rouge, délais, pluie, nuit, kilométrage depuis le matin et pourtant, je ne suis pas dans les choux, j'ai le mental et physiquement ça va.
Je fais donc faire partie des "poireaux" de cette édition 2013 du Tour du Mont Blanc Cyclo, de ceux qui insistent et veulent aller au bout coûte que coûte. Je ne suis pas de la trempe des copains guerriers de l'UTMB ou de la Diago, mais je vais le faire !
Je sais que je bouclerai ce périple avec ou sans dossard, ça ne peut pas se passer autrement !
C'est ma rédemption. J'ai une revanche à prendre contre moi même. Je dois le faire, pour moi, mais aussi pour Florence.
Je n'ai pas prévu d'autre scénario, mais il est vrai qu'on ne prévoit jamais un abandon.

Col du Cormet de Roselend - 19,4 km à 6 % et  1 154 m d/m+

Il pleut à nouveau.
Gilles m’accompagne aussi un bout de chemin en voiture sur cette ascension. Il m'indique que seuls 2 coureurs sont repartis derrière moi.
Ça y est, la voiture balai est donc à 2 coureurs derrière moi. Faudrait s'activer, mais ce n'est pas après 15 h de vélo et 280 km qu'on change comme cela d'allure. Le diesel ronronne, il ne peut  pas accélérer.
La nuit est là, Florence roule patiemment au pas derrière moi  et m'éclaire avec les phares de la voiture.
Ma roue avant couine régulièrement, mon corps lui endure et ne bronche pas.
Depuis le début de ce TMB, je ne trouve pas le temps long, je suis tout à mon objectif.
Les jambes tournent inlassablement, j'alterne, je passe régulièrement en danseuse pour délasser. La nuit ne me permet pas d’admirer le superbe paysage de ce versant.
Je vois une lumière de vélo loin devant moi et surtout une derrière moi qui me rattrape. Je me fais doubler dans les derniers kilomètres d'ascension. Je m'accroche, mais lâche très vite, ce n'est pas mon rythme de vieux diesel, pas la peine d'insiter.
Plus bas, au loin,  à un vélo derrière moi les gyrophares de la voiture balai, faudrait quand même pas que je finisse dernier ! J'ai beau dire que l'important c'est de terminer, avant dernier, c'est quand même autre chose que de finir dernier, non ! Toutes les motivations de fin de courses sont toujours bonnes à prendre.

Ravitaillement du cormet de roselend
Il pleut, il y a un vent froid, je suis trempé, j'ai froid, j'ai faim, mais l’écœurement commence à se sentir.
Pour me réchauffer, je prends un soupe, mais horreur c'est une soupe aux oignons lyophilisés qui croquent
sous les dents.  Il ne me manquait plus que ça ! il me reste encore un dernier col  à franchir et il faut pourtant recharger en carburant.
Je monte dans la voiture pour enfiler mon coupe vent  en vue de la descente et profiter de mon ravito personnel que Florence a apporté dans la voiture, mais l'estomac n'y est plus. Je garderai le goût d'oignon jusqu'à l'arrivée et aurait du mal à m'alimenter.
J'ai tellement froid en sortant de la voiture en pleine nuit, en plein vent, sous la pluie, au milieu de nulle part, que j'ai une fugace hésitation, vite refoulée avant de me saisir  de mon vélo pour rallier Beaufort.
Cette descente sera  laborieuse. Les phares de la voiture pour éclairer ma route, c'est super quand la route est droite, mais quand arrivent les virages et les lacets, c'est plus compliqué. Je me fais plusieurs frayeurs. Les 2 cyclistes repartis devant moi sont déjà loin. Replat à hauteur du barrage puis descente finale du col jusqu'à Beaufort. Plus bas, par moment des petits passages agréables dans la douce chaleur restituée par des rochers et habitations.

Col des Saisies - 15 km à 6,4 % et 957 d/m+

Arrivé à  l'entrée de Beaufort je bifurque sur la droite pour attaquer ma dernière ascension, le col des Saisies en passant par Hauteluce.
Florence m'approvisionne en baies de Goji.
Les kilomètres défilent lentement, mais je ne me lasse toujours pas et l'objectif final n'est pas loin (en distance).
Pédaler, ne s'occuper de rien d'autre.
Il y a bien longtemps que mon garmin, lui, a cessé de fonctionner faute d'énergie, je ne vois pas non plus ma vitesse sur le compteur, mais j'avance  et c'est cela le principal.
Passé Hauteluce, après avoir rejoint la route des Saisies, je vois à nouveau les gyrophares de la voiture balai  qui arrive dans le village tout en dessous de moi. Je m'active à nouveau, l'honneur est en jeu.

Les saisies approchent, la belle vache peinte sur le local EDF m'encourage en silence. Super idée cette peinture sur  ce local , c'est le repère pour les cyclos qu'il ne reste que quelques kilomètres avant le haut du col. Quelques lacets et les lumières de la station des saisies se profilent.
Florence va devant à l'arrivée pour immortaliser.
Dernier kilomètre. je rentre dans les saisies.
Pas de final avec panache aujourd'hui, ce serait ridicule.

Lundi 22 juillet 2013 - 1 h 00 - les Saisies  - je suis finisher du TMB Cyclo 2013

Voilà, J'y suis ! Je l'ai voulu et je l'ai fait !
je suis allé au bout de ce Tour du Mont Blanc qui aux premiers abords n'était pas un défi à ma portée.
Il suffisait d'un rien pour que je ne boucle pas ce TMB Cyclo soumis aux aléas climatiques liés aux activités sportives en plein air et de surcroît sur les routes de hautes montagnes.
Et bien que la  limite horaire ait été dépassée, le principal pour moi est d'être allé au bout de ce périple vélo autour du Mont Blanc.

Le coureur qui m'avait doublé dans la montée du Cormet de Roselend est là, il est arrivé 5 minutes avant moi
On attend le dernier coureur qui arrive 2 minutes après moi, puis nous allons nous restaurer et  récupérer notre maillot de finisher.

J'ai mis 19 h 30 et le premier a mis 12 h 01..... Mais je suis le premier des communes d'Iteuil et Ligugé !! et même premier de la Vienne faute de concurrence.
Par contre, je suis le 2eme de Poitou Charentes, le 1er finissant 21eme en 14 h 05. Intouchable.
Bon, même la photo d'arrivée ne me pardonne rien, mon ombre est arrivée avant moi.
C'est définitif, je ne roule pas plus vite que mon ombre. Quelle déception !

Le classement général  du Tour du Mont Blanc Cyclo 2013 ICI

Mon  bilan de ce TMB Cyclo 2013

J'ai mis 45 minutes de plus que mes prévisions déjà ric-rac, en grande partie à cause de la pluie qui a compliqué fortement les descentes du Petit Saint Bernard et du Cormet de Roselend et de mon arrêt prolongé  pour me changer à l'abri dans la voiture en haut du petit saint Bernard. Je n'ai pourtant pas traîné sur les autres ravitos et n'ai même pas pris le temps de mettre ma musique.
Mes prévisions, basées sur mes temps de montée et de descente de cols effectuées en 2012 /2013 étaient donc tout à fait correctes. 
Le constat est toujours le même :
Je lambine dans les descentes : sur 120 à 150 km, ça fait pas mal de minutes de perdues. Une roue avant sans jeu devrait aussi aider. 
Je m'économise trop dans les ascensions, ma vitesse de base n'est pas assez élevée : 1 km/h en plus sur ne serait-ce que 100 km, ça peut vite chiffrer aussi. 
Les ravitos doivent être plus consistants pour moi
Il va donc falloir que je travaille ces points faibles si je veux tenter d'autres Ultra Cyclo et passer un cran au-dessus dans les défis à venir

Les défis vélos ne me font en effet pas peur, mais attention à ne pas avoir les yeux plus grands que le ventre..... et  Je souffre moins en vélo qu'en course à piedhormis cette satanée douleur sous la plante de pieds, 
Même pas mal le lendemain matin et les jours suivants ! Fatigué, les valises sous les yeux mais pas de bobos. Ça me change des lendemains de trail où je marche comme Robocop pendant 4 ou 5 jours! 
Par contre, je mettrais 2 jours à enlever les traces noires délimitant mes chaussettes, souvenir des routes mouillées et des projections de tous les résidus sur le goudron.

Bravo aux organisateurs de ce Tour du Mont Blanc Cyclo, et à tous les bénévoles pour leur gentillesse et leur disponibilité.
Seul un tout petit bémol, au sujet des ravitaillements, pourtant judicieusement répartis et en quantité adaptée. Mais le cycliste pantagruélique que je suis, adepte des ravitos à la " Boulette", ne peut pourtant qu’approuver l’observation de Serge Dutouron dans son récit 2010 :  "Mon souhait, sur ce type d’épreuve aussi exigeante, est au minimum de 2 vrais repas chauds avec potage bien salé et riz/poulet" .
La boucle est bouclée !

Voilà, Florence est fière de moi et ça, c'est la plus belle des récompenses. Mon petit exploit s'en trouve décuplé et sans son assistance, je ne pense pas que j'aurai pu aller au bout, au vu des conditions météo.
Parmi les petites étoiles qui pétillent dans ses yeux je vois bien qu'à côté du partage de cette satisfaction d'aller au bout d'un objectif sportif, il y a aussi la frustration de ne pas pouvoir mettre à l'épreuve tous les défis d'ultra trail qui lui trottent encore dans la tête (dont le GRP). Défis contrariés par des blessures successives depuis plus d'un an.

Son prochain défi sera donc aussi le mien ! mais en assistance particulière, pour qu'à son tour elle puisse aller au bout d'un de ses rêves sportifs les plus fous et les plus ambitieux. (diagonale des fous 2015 ?)

Quant à moi, de futurs périples vélos occupent déjà mes pensées, pourquoi pas le Paris Brest Paris 2015, ou d'autres défis en solitaire ou à partager avec Florence et les copains.
Et toujours un vague espoir de pouvoir recourir (ou marcher) les trails et ultras pour terminer un de mes futurs périples vélo.

"Avoir juste le courage de se lancer. Très souvent on pense savoir où sont nos limites, mais c'est seulement quand on tente quelque chose qu'on s'aperçoit qu'on peut aller beaucoup plus loin" Lizzy Hawker -l'EQUIPE magazine Spécial Trail août 2013